 Misez sur les forêts plutôt que les parcs et sortez des sentiers battus pour trouver la nature la plus brute possible. Cependant la plupart des forêts françaises sont cultivées et donc façonnées par l’homme. |
1/Une pratique ancienne
Si utiliser les arbres pour se faire du bien peut nous sembler saugrenu aujourd’hui, l’idée ne date pourtant pas d’hier. Depuis toujours, l’homme utilise la nature pour se soigner et les arbres en particulier. « Aristote s’intéressait déjà à leurs bienfaits, il pensait que leurs feuilles avaient des vertus chromatiques », raconte Laurence Monce, coach naturopathe(1) et auteure de Ces arbres qui vous veulent du bien (éditions Dunod). Plus près de nous, au Moyen Âge, la médecine s’est développée sur tous les continents en tirant parti des végétaux. « Avicenne, médecin de langue persane faisait déjà référence aux propriétés des plantes et des arbres pour guérir des maux divers, ajoute Laurence Monce, puis au xie siècle, l’abbesse Hildegarde de Bingen préconisait du bouleau pour les tumeurs, de l’orme pour la fécondité et accordait une grande importance aux résineux qui apportaient de la force. » Au xixe siècle, la mode était à l’aérothérapie, l’absorption d’air pur. Les balades en forêt étaient alors recommandées. « La science médicale venait de constater que les populations vivant près des forêts de conifères étaient moins touchées par les infections pulmonaires, le choléra ou la tuberculose, explique la coach naturopathe. » Enfin au xxe siècle, différents chercheurs et médecins ont mis en avant les bienfaits de la sylvothérapie, qu’ils recommandaient aux personnes souffrant de problèmes respiratoires, aux diabétiques, aux dépressifs… Les curistes étaient alors allongés sur des chaises longues ou sur le sol, au plus près des branches, afin de profiter au mieux de l’oxygène rejeté par les arbres. Une pratique qui est ensuite tombée dans l’oubli…
2/Une dimension symbolique
Les arbres sont également un symbole puissant : les grandes civilisations les ont toujours associés à l’équilibre et au sacré. « Les plus vieux textes sanscrits évoquent l’existence d’un arbre qui exauce les vœux, indique Jean-Marie Defossez(2), auteur du livre Sylvothérapie, le pouvoir bienfaisant des arbres (Jouvence) qui organise régulièrement des sorties en forêt pour se déstresser et mieux respirer. Dans la mythologie grecque, chaque dieu possédait un arbre tutélaire : le chêne pour Zeus, l’olivier pour Apollon, le frêne pour Poséidon… Et le christianisme, le judaïsme et l’islam, parlent également d’un arbre de vie. Les hommes ont toujours eu un rapport privilégié avec les arbres ! » Le biologiste américain E.O. Wilson évoquait dans les années 1980 une autre théorie : selon lui, c’est parce que notre espèce a évolué dans la nature que nous éprouvons un besoin biologique de nous connecter à elle. C’est ce qu’il nomme la biophilie. Selon ce chercheur, nous sommes génétiquement destinés à aimer le monde naturel, ce serait comme inscrit dans notre ADN. Nous avons besoin d’elle pour nous sentir bien et être en forme.
3/Un art de vivre au Japon
Au pays du soleil levant, la forêt a une place particulière. Selon les deux religions officielles, le shintoïsme et le bouddhisme, elle est le royaume du divin. Il n’est pas rare de voir des gens prier en forêt. « Dans la culture japonaise, la nature n’est pas distincte de l’humanité, elle en fait partie », rappelle le docteur Qing Li, immunologiste, membre de la société japonaise de sylvothérapie dans son ouvrage de référence, traduit pour la première fois en français, Shinrin yoku, l’art et la science du bain de forêt (éditions First). » Normal, donc que la sylvothérapie y soit devenue une discipline très sérieuse. « Au Japon, nous pratiquons le bain de forêt ou shinrin yoku, explique le médecin. Il ne s’agit pas de faire de l’exercice, de la randonnée, du jogging mais d’être simplement au contact de la nature, en connexion avec elle par l’intermédiaire de nos cinq sens. » Dans la forêt, nous sentons la mousse des bois, l’air frais, nous entendons le vent dans les branches, le chant des oiseaux, nous observons les couleurs changeantes des arbres… Grâce à ces sensations, nous nous reconnectons au monde naturel. Entre 2004 et 2012, le docteur Qing Li a mené différentes expériences scientifiques qui ont démontré les bienfaits physiologiques et psychologiques des bains de forêts. Suite à ces résultats, le gouvernement japonais a décidé de développer la sylvothérapie dans le pays et 68 centres de shinrin yoku ont été ouverts. « Désormais, entre 2,5 et 5 millions de personnes se rendent en forêt chaque année, se réjouit Qing Li. Le shinrin yoku est devenu une activité classique, un moyen pour les Japonais de gérer leur stress et de prendre soin de leur santé. »
4/Une reconnexion à la nature nécessaire
Aujourd’hui, les arbres semblent susciter l’intérêt du public français. La Vie secrète des arbres, du garde forestier allemand Peter Wohlleben, publié aux Arènes en 2017 a été un succès surprise en librairie. Cet ouvrage qui livrait leurs étonnantes facultés de communication et de solidarité s’est écoulé à plus de 700 000 exemplaires en France. Autre preuve de l’affection de nos compatriotes pour les forêts : les promenades dans les bois sont un de leurs passe-temps favoris. La forêt accueille plus de 500 millions de visites chaque année selon l’ONF. Un sondage réalisé pour la Fête de la nature réalisé par OpinionWay en 2015 révélait que 96 % des Français considéraient la nature comme un lieu de bien-être et de ressourcement. Jean-Marie Defossez explique ce chiffre par le fait que le contact avec les arbres nous apaise. « Dans notre société hyperconnectée, les hommes ont besoin de respirer et de revenir vers la nature, avance-t-il. Nous avons tous des souvenirs positifs de promenade en forêt et y retourner nous les rappelle. Ces moments de déconnexion permettent de se recentrer sur le moment présent, de se sentir vivant dans un écosystème plus vaste qu’est la nature. » L’engouement pour les arbres et la forêt s’explique aussi par le fait que nous soyons en grande majorité des citadins. « 80% des Français vivent dans des villes et la nature leur manque, rappelle la coach naturopathe Laurence Monde. La preuve : l’homme a créé de nombreux artifices qui la recréent dans nos intérieurs, comme la déco en bois, les plantes vertes, les diffuseurs d’huiles essentielles, les terrariums… Mais ils ne lui suffisent pas ! » Pour profiter des bienfaits des arbres, certains vont plus loin que la simple balade en forêt : ils touchent les arbres, les enlacent, ou leur parlent. « Mettre sa main sur un tronc en fermant les yeux procure des sensations étonnantes, révèle Jean-Marie Defossez, persuadé que la sylvothérapie l’a aidé à guérir d’une maladie grave. Cela apaise et apporte de l’énergie. Même si cela peut paraître farfelu, je conseille à tout le monde d’essayer ! »
5/De multiples bienfaits pour la santé et le moral
Selon les recherches menées par le docteur Qing Li, même un bref moment passé dans la nature peut suffire pour influer sur notre santé. « En plus de faire une pause technologique et de ralentir le rythme, un bain de forêt de deux heures permet de diminuer la pression artérielle et le stress grâce à une meilleure respiration, détaille le scientifique. Cela améliore également les fonctions cardiovasculaires et le métabolisme, diminue le taux de glycémie grâce aux ions négatifs produits par le frottement des branches, booste la concentration et la mémoire, fait disparaître la dépression, abaisse le seuil de douleur, donne plus d’énergie, accroît la production de protéines contre le cancer, facilite la perte de poids. » Rien que ça ! Intriguée par ces explications ? Chaussez vos bottes et direction les bois pour vous forgez votre propre opinion !
(1) aqualibrattitude.com
(2) sylvotherapie.net
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