Magali, 41 ans, travaille au service communication d’une grande entreprise. Alors que son emploi du temps est chargé, cette mère d’un adolescent de 13 ans accepte régulièrement des missions supplémentaires, pour dépanner des collègues et rentre encore plus tard à la maison. Dans sa vie privée, même constat : elle a du mal à refuser les caprices de son fils, comme les services que sa mère lui demande trop souvent. « Depuis que je suis enfant, j’ai du mal à dire non, reconnaît Magali. Alors que je n’en ai pas envie, que je manque de temps, il est difficile pour moi de décliner les demandes qui me sont faites. Résultat, des proches en profitent et je me retrouve dans des situations compliquées. Surtout, je m’en veux d’être si faible ! ». Comme Magali, certains d’entre nous ont de réelles difficultés à dire non à leur entourage, parce qu’ils ont peur de décevoir, de ne plus être aimé, de provoquer des conflits. Or affirmer ses choix et ses opinions est nécessaire pour vivre une vie authentique et entretenir des relations équilibrées avec les autres. Anne Van Stappen*, formatrice certifiée en communication non violente (CNV) et autrice du Petit Cahier pour s’affirmer et enfin oser dire non (Jouvence) et France Brécard, psycho-praticienne et formatrice en analyse transactionnelle, autrice de 50 exercices pour savoir dire non (Eyrolles), nous livrent leurs conseils pour ne plus se soumettre et redevenir maître de notre vie.
Un petit mot essentiel pour être soi-même
« Beaucoup de personnes ont une réelle difficulté à refuser, assure France Brécard. Il leur est souvent pénible de dire non à ceux qui leur demandent des choses qu’elles ne veulent pas faire, aux obligations qui ne sont pas vraiment indispensables, à l’autorité, ou à ceux qu’ils aiment quand ils abusent de leur affection. » La raison ? Elles craignent de déplaire, de passer pour des personnes qui ne sont pas performantes au travail, pour des sans-cœur. Souvent, cela fait écho à des événements passés dans leur enfance, un abandon, une dévalorisation systématique de la part des parents qui les ont fragilisées. « Voilà pourquoi ces personnes cherchent à faire plaisir, à donner une image d’elle-même forte, positive, gentille, serviable, analyse France Brécard. Mais à trop s’adapter pour ne pas faire de vagues, elles prennent le risque de ne plus être elles-mêmes et de s’oublier.» Les conséquences ? « Elles se plaignent ensuite de celui ou celle qui a déchargé une tâche sur elle, ne se sentent pas respectées », ajoute la psychopraticienne.
Des conséquences sur le moral et la santé
Les répercussions sont également physiques : les personnes qui ont du mal à dire non ressentent un malaise, une lourdeur, en présence des autres car elles craignent leurs demandes. « Nous effacer face à l’autre engendre tant de négativité et de lassitude pour tous, que, tôt ou tard, il y aura un coût à payer, sous forme de maladies, de ras-le-bol ou de ruptures qui se produisent quand on se réveille un jour en réalisant qu’on a trop donné ou trop subi, » met en garde Anne Van Stappen. Réussir à dire davantage non, ce n’est pas devenir égoïste ou ne plus rendre service, mais trouver un meilleur équilibre entre ses propres besoins et ceux des autres. Et ne plus se nier soi-même.
S’entraîner à dire non
« Pour réaliser les conséquences des oui dits à contrecœur, vous pouvez commencer par lister les dernières fois où cela s’est produit et en précisant à chaque fois, les raisons pour lesquelles vous avez accepté et à quel besoin cela répondait : se sentir indispensable, se sentir aimé », conseille Anne Van Stappen. Notez également quelles ont été les répercussions positives et négatives dans votre vie : un moyen de prendre conscience que cela n’est pas sans incidences et que cela nous « coûte » plus que l’on ne l’imagine. Pour vous entraîner à dire non, faites des exercices, en vous confrontant à des situations pratiques, sans enjeux importants. « Commencez par dire non aux gens à qui cela vous coûtera le moins de refuser un service, et progressivement, essayez de dire non à ceux devant qui vous n’osez jamais vous imposer, propose Florence Brécard. Répondez par la négative à une vendeuse qui vous propose des vêtements dans une boutique, à votre enfant qui réclame un bonbon à la boulangerie. » Ces refus vous permettront de réaliser qu’ils ne débouchent pas sur des situations dramatiques et que vous avez les ressources pour y faire face. Autre piste : faire des jeux de rôles avec une amie, qui rentrera dans la peau, par exemple, de votre patron ou votre collègue, pour vous apprendre à répondre négativement à ses sollicitations et à s’y tenir. « Ces cas pratiques permettent de s’entraîner, de prendre confiance, en expliquant son point de vue », explique Anne Van Stappen.
Ne jamais répondre hâtivement
Pour ne plus dire oui trop vite à une demande, et le regretter ensuite, il est important de s’accorder un temps de réflexion, en répondant, par exemple, à son interlocuteur « laissez-moi y réfléchir cinq minutes », « je te rappelle demain pour te donner ma réponse ». Un moment qui permet d’écouter ses propres désirs et prendre en compte ses contraintes. « Cela est nécessaire pour se rappeler que l’on a le droit d’exister et de répondre par la négative », indique Anne Van Stappen. Si vous devez faire face à une décision difficile, comme celle d’annoncer à votre mère que vous n’irez pas à un rassemblement familial car vous préférez vous rendre aux quarante ans de votre meilleure amie, prenez le temps de préparer vos arguments. « Avant de téléphoner, pesez le pour et le contre de votre décision, et préparez une argumentation solide, suggère Florence Brécard. Une fois en ligne, précisez que votre choix n’a rien à voir avec l’amour que vous portez à votre famille et donnez calmement vos raisons. Évitez de vous énerver, votre choix doit paraître serein pour qu’il ne soit pas remis en question. »
Une formulation bienveillante
Si vous avez du mal à dire non, vous devez travailler vos réponses pour qu’elles ne vous fassent pas culpabiliser et qu’elles vous permettent d’exprimer vos besoins. Pour dire non sans blesser ni agresser, il faut donc savoir mettre la forme. « Il est important d’apprendre à dire non avec diplomatie et d’exprimer son point de vue, assure France Brécard. Il faut également montrer à l’autre que vous avez bien compris ses besoins, en prenant soin de les reformuler et en lui proposant des solutions. Le but ? Faire preuve d’humanité et ne pas culpabiliser de le laisser tomber. » Dans l’exemple d’une amie qui demande de lui prêter de l’argent, vous pouvez dire « Non, je suis désolée, j’ai bien compris que tu étais en difficulté, j’aimerais te rendre service mais je n’ai pas les moyens de prêter des sous ». Puis proposez votre aide pour trouver ensemble des solutions : « As-tu contacté ta banque ? As-tu demandé une avance sur salaire ? » Dans le cas d’un enfant qui fait un caprice pour aller dans un magasin, vous pouvez répondre « Non, j’ai bien compris que tu voulais y aller et que tu es en colère car je ne suis pas d’accord, mais je suis fatiguée. Et si nous y allions demain ? » Un moyen d’éviter un refus trop sec et désagréable. « Il ne faut pas voir la réponse comme un acte négatif, un “contre” l’autre, mais comme l’expression d’un “pour” : pour nos besoins et nos valeurs, explique Anne Van Stappen. Cela équivaut à considérer à égalité nos besoins et ceux d’autrui. Enfin, pour exprimer votre bienveillance, vous pouvez demander à votre interlocuteur comment il vit votre refus, cela évite de rester sur un froid. » Dernière étape, tenir bon. « Même si votre amie ou votre collègue insiste et vous reproche de ne pas être sympa, soyez ferme et assumez votre décision jusqu’au bout », recommande Florence Brécard. En arrêtant de dire « oui » trop facilement, vous renforcerez petit à petit votre caractère, votre force intérieure et votre audace.
*annevanstappen.be
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