Lors d’un repas de famille, Adèle, 7 ans, fixe sa mère et lance : « Ce que tu as préparé, c’est pas bon, t’es pas prête de passer dans Top Chef ! » Silence gêné dans l’assemblée, brisé par le rire de l’aîné. Pour Julie qui a passé la matinée derrière les fourneaux, difficile d’encaisser. « Ma fille me lance des piques, me défie. C’est formidable car elle a confiance en elle. Mais d’un autre côté, elle ne sait pas quand s’arrêter et moi, je me sens démunie. »
Des moments particulièrement critiques
« Entre 5 et 7 ans, les enfants acquièrent une vraie autonomie, indique Florence Millot, psychologue pour enfant*, ils commencent à bien maîtriser les rouages de la communication. Résultat, ils se permettent de répondre avec intelligence. » L’insolence n’est pas forcément intentionnelle : ils s’amusent avec les mots, souvent sans arrière-pensée. Autre période propice à l’insolence, l’adolescence. Les plus de 11 ans remettent en cause le cadre fixé par les parents, car ils veulent gagner en autonomie. « Ils vivent un tel chamboulement hormonal qu’ils ont du mal à contrôler ce qu’ils disent », observe Anne-Claire Kleindienst, psychologue clinicienne**, auteure du Petit Décodeur illustré de l’enfant en crise (Éditions Mango). Véronique Maciejak, auteure de 1, 2, 3, je me mets à l’éducation positive (Éditions Eyrolles), a une autre explication : l’insolence manifeste un certain malaise. Selon elle, ceux qui cherchent à blesser ne se sentent pas appartenir au « groupe » : l’école, leur famille ou leurs amis. « Leurs phrases assassines sont des appels au secours, affirme cette spécialiste de la parentalité. Elles se manifestent suite à un changement majeur comme un divorce, un déménagement, l’arrivée d’un nouvel enfant, un décès… »
Une perception qui dépend du contexte
La perception de l’insolence est subjective. « Elle se trouve dans le regard de celui qui l’entend, avance Florence Millot. Les parents la définissent comme telle lorsqu’ils se sentent remis en cause. » Certains propos les touchent particulièrement car ils comportent une part de vérité ou appuient là où ça fait mal. Comme dans l’exemple de Julie, cité plus haut. C’est peut-être parce qu’elle doute de ses talents de cuisinière que les propos de sa fille lui semblent déplacés… « Le contexte joue aussi, ajoute Anne-Claire Kleindienst. Une phrase prononcée en tête-à-tête ne sera pas perçue de la même façon face à un groupe de mamans ou devant les grands-parents, avec qui nous avons une posture à tenir. » Les enfants sont davantage écoutés, consultés, informés, ils sont très matures, voire précoces. Normal que certains s’expriment avec plus d’aisance que nous à leur âge. « C’est charmant de discuter avec un adulte miniature qui a de la répartie, mais il reste un enfant avec les émotions de son âge et sa sensibilité, rappelle Florence Millot. Il est nécessaire de lui poser des limites car cela le rassure et le sécurise. »
Discuter calmement et poser un cadre
Les enfants vivent naturellement dans un sentiment de toute-puissance, les limites doivent leur être rappelées. Pour qu’ils grandissent et s’épanouissent dans de bonnes conditions, les parents doivent leur poser un cadre. « C’est primordial pour répondre à leur besoin de sécurité, affirme Florence Millot. Si l’enfant se croit tout permis, il sera rejeté par les autres qui le trouveront insupportable. » Si une parole de votre enfant vous semble aller trop loin, vous devez en discuter calmement. Le but ? « Lui expliquer qu’il peut blesser avec ses mots, et qu’il faut se parler gentiment et faire des compromis pour bien vivre ensemble », précise Anne-Claire Kleindienst. Dans le cas d’un adolescent, il faut faire preuve de compréhension, de fermeté et de bienveillance. « Son insolence est la preuve du désordre intérieur qui l’agite », assure Anne-Claire Kleindienst. Une fois le calme revenu, invitez-le à mettre des mots sur ce qu’il a ressenti, parlez et maintenez le dialogue. « Surtout, ne prenez pas ses pics personnellement : l’adolescent provoque pour s’assurer que les parents seront toujours là pour lui. » L’insolence, une recherche d’amour en somme.
* psychologuepourenfant.fr
** anne-claire-psy.fr
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