La première fois que j’ai rencontré mon beau-fils, c’était au moment d’un départ en vacances. Il est monté dans la voiture et je lui ai demandé : tu veux qu’on se fasse la bise ou qu’on se serre la main ? Il m’a répondu qu’il préférait la seconde option. Je n’ai pas forcé les choses. Il faut du temps de chaque côté pour s’apprivoiser se souvient Marie-Luce Iovane, présidente du Club des Marâtres à Paris, un lieu d’écoute et de parole autour de la question de la famille recomposée. Aujourd’hui, en France, un enfant sur dix vit dans une famille recomposée. Une évolution de la société qui bouleverse les habitudes et demande des ajustements au nouveau couple constitué. Il faut à la fois se faire respecter sans être autoritaire, être présent sans se substituer aux parents, concilier vie conjugale et vie de famille…. Un équilibre précaire qui n’est pas sans entraîner des tensions au sein du foyer. Les statistiques le prouvent : près de deux tiers des remariages se terminent par une séparation lorsque les partenaires ont déjà des enfants. En cause ? Les différents entre beaux-parents et beaux-enfants.
Trouver sa place
« Aucune femme n’a rêvé un jour d’être marâtre, rappelle Catherine Audibert, auteur du livre Le complexe de la marâtre*. Cette place, on la lui impose. Elle ne l’a jamais imaginée, ne se l’est jamais représentée. Il lui faudra donc improviser ». Une situation qui peut vite engendrer des souffrances lorsque les femmes ignorent dans quelle aventure elles s’engagent. « Souvent, elles se laissent porter par le courant, bercées par des illusions qui leur évitent de penser que recréer une famille avec des êtres qui en ont déjà une annonce un véritable combat » poursuit la psychanalyste. Or, ce n’est pas parce qu’on est amoureuse d’un homme… que l’on doit forcément aimer ses enfants. D’autant plus lorsque ces derniers incarnent l’histoire d’amour que le conjoint a eu avec une autre et qu’ils vous signifient en permanence que vous n’êtes pas la bienvenue ! « On n’est pas obligé d’aimer les enfants de son compagnon. L’amour ne se commande pas. Ce n’est pas une injonction » insiste Marie-Luce Iovane. « Mais, c’est très culpabilisant pour les femmes. D’autant plus qu’on leur colle souvent l’étiquette de la méchante. Regardez l’image qu’on donne à la marâtre dans les contes de fées : la cruelle reine dans Blanche-Neige, l’épouse du père de Cendrillon… On lui prête les plus mauvaises intentions. C’est le coucou qui vole le nid et les œufs. La fauteuse de troubles ! Elle a forcément le mauvais rôle dans la famille recomposée puisqu’on lui demande d’élever ses beaux-enfants comme les siens — lorsqu’elle en a — sans élever la voix ni intervenir car elle n’est pas légitimée à sanctionner. Difficile de vivre une relation apaisée lorsque l’on guette chacun de vos faux pas et que l’on peine à trouver sa place… »
Prendre le temps de « faire famille »
Nombreux sont malgré tout les cas de familles recomposées où tout se passe bien. Quel est leur secret ? Les spécialistes sont unanimes : il faut du temps. Dans la nouvelle cellule familiale tout devient source de comparaison. Les moments hautement symboliques — départ en vacances, repas, fêtes… — se chargent de rappeler régulièrement aux enfants ce qu’ils ont perdu et d’appuyer là où ça fait mal. Dans son ouvrage L’enfant de l’autre, petit traité sur la famille recomposée, Catherine Sellenet raconte l’histoire d’un garçon qui ne veut pas mettre sa serviette à table. « Chez ma maman je n’utilise pas de serviette », lance ce dernier. « Oui, mais là tu n’es pas chez ta mère. Tu es chez moi et chez moi, c’est comme ça » répond la belle-mère. « Dans cet exemple, la serviette est bien plus qu’un simple carré de tissu. Par cette opposition, l’enfant montre clairement son refus de faire famille, de s’inscrire dans ce nouveau foyer, explique la sociologue qui conseille aux nouveaux couples constitués d’apprendre à vivre avec les réalités associées à la présence des ex-conjoints. « Il faut faire preuve de patience, les relations ne se développent pas en un jour, poursuit celle-ci. Traitez vos beaux-enfants avec respect même si vous ne les appréciez pas. Il est important en tant qu’adulte présent dans leur vie que vous contribuiez à leur offrir un cadre de vie sain et sécurisant. Laissez la discipline évoluer au même rythme que la relation établie avec l’enfant et surtout donnez-vous le temps de mutuellement vous connaître ». De quoi faire vôtre la maxime de La Fontaine : patience et longueur de temps font plus que force ni que rage…
Témoignage
« Parfois, je ne me sens pas soutenue à 100 % », Florence, 48 ans
« J’ai deux enfants, un garçon et une fille qui ont aujourd’hui 20 et 22 ans. De son côté, mon conjoint a deux garçons de 15 et 17 ans en garde alterné. Nous avons la chance que nos enfants s’entendent particulièrement bien même s’il y a parfois des tensions, comme dans n’importe quelle famille, recomposée ou pas ! J’ai tendance à appliquer les mêmes règles pour tout le monde. Je suis, par exemple, assez intransigeante sur les écrans. Mon mari, qui ne voit ses enfants que tous les quinze jours, a moins envie de faire la police quand ses fils sont là. Ce qui occasionne, parfois, il faut l’avouer, des crispations. C’est compliqué parce qu’on ne se sent pas soutenue à 100 %. Mais, globalement, tout se passe bien… »
*Le complexe de la marâtre (Payot).
A lire également :
- Top 3 des blogs de familles recomposées
- Familles recomposées : vos témoignages
- J’ai un enfant préféré… est-ce grave ?
