Aucun parent n’a plaisir à punir. Pourtant, difficile de faire autrement. «Mettre des règles et apprendre à les respecter fait partie de l’éducation, rappelle Anne Bacus(1), psychologue spécialiste de la famille et auteur de 100 façons de se faire obéir, sans cris ni fessées (Marabout). Aujourd’hui, les pères et les mères ont du mal à être autoritaires car, en allant contre la volonté de leur enfant, en le contrariant, en lui disant “non”, ils craignent de perdre son amour. » La plupart des parents passent beaucoup de temps au travail, sont peu présents à la maison pour leur progéniture. Lors des courts moments en famille, ils préfèrent donc partager des câlins, des bisous, des rires, bref, de la complicité plutôt que des conflits. Mais recadrer son enfant et l’obliger à faire des choses qu’il n’a pas envie de faire est essentiel. « En étant contraints de se laver les dents, de faire leurs devoirs, d’être à l’heure, de respecter les interdits, les enfants assimilent que la société est régie par des règles, indique Anne Bacus, et que les transgresser implique des conséquences négatives. » Mieux vaut qu’ils y soient confrontés à la maison, avec gentillesse et bienveillance, plutôt qu’à l’école, avec les copains, où les réactions peuvent être plus violentes : rejet des camarades, difficultés à obéir aux enseignants…
De plus, les enfants ont besoin de limites, ceux qui en manquent poussent à bout leurs parents afin d’en obtenir. « Avoir des règles, un cadre, cela les rassure, ajoute Anne Bacus. Un parent qui s’oppose à son enfant lui montre qu’il est capable de force, qu’il saura le protéger. » Mais comment s’y prendre au mieux ?
Oublier les méthodes du siècle dernier
Si pour vous éduquer, vos parents vous ont privée de vos plaisirs, de vos sorties, de vos amis, ou ont utilisé la violence physique, sachez que ces méthodes d’un autre siècle ne sont plus recommandées. Faire « payer » pour des fautes n’est pas pédagogique. « Le but d’une punition n’est pas de faire souffrir, mais d’apprendre à avoir un bon comportement, à s’améliorer, pour devenir un jour un adulte responsable et maitrisant les codes de la société », révèle Florence Millot, psychologue pour enfant(2). Oubliez donc les punitions du genre « parce que c’est comme ça ! », énoncées avec toute puissance et sans explication : elles sont inutiles et inefficaces avec les enfants d’aujourd’hui. « Ils n’ont pas le même cadre éducatif que leurs parents, analyse la psychologue. Les adultes qu’ils fréquentent s’affranchissent des règles, arrivent en retard, ne respectent pas la loi dans les transports ou sur la route… Ils s’en fichent de l’autorité, la remettent en cause. Résultat, les enfants en font de même. »
Toujours prévenir avant de punir
Première règle : une bonne punition ne doit pas tomber du ciel. Pour être utile à l’enfant, il faut qu’elle ait été annoncée en amont. Il doit avoir été prévenu de ce qu’il risquait de se passer. « Cela lui permet d’intégrer que tout acte a des conséquences, indique Anne Bacus. Certains parents prennent sur eux, patientent puis explosent et sanctionnent soudainement, sans avoir averti. Une punition excessive, brutale qui prend l’enfant de court : cela n’a pas de sens et il peut le vivre comme une injustice. » Rien ne sert donc de trop attendre. Quand l’enfant transgresse, la première étape pour l’adulte est donc lui rappeler la règle : « on ne vide pas l’eau de la baignoire sur le sol », par exemple. Puis la seconde est de l’avertir des conséquences : « si tu continues, tu sors du bain ». À répéter deux fois si nécessaire, pour s’assurer qu’elle a bien été entendue. S’il n’obtempère toujours pas, la troisième étape est d’appliquer la sanction, la conséquence. Pas la peine de lui expliquer pourquoi, de lui dire qu’il avait été prévenu, il a parfaitement conscience de ce qu’il vient de se passer. Cela permet de faire comprendre à l’enfant qu’il a le choix et qu’il est responsable de ses actes.
Des menaces applicables et immédiates
Pour les sanctions, rien ne sert de les effrayer avec des punitions disproportionnées ou impossibles à appliquer comme « si tu continues, nous ne partirons pas en vacances », « tu n’iras pas à l’anniversaire de ton amie » ou « si tu n’arrêtes pas, je te laisse sur le bord de la route ». Ils savent très bien que cela n’arrivera jamais ! « La sanction doit être supportable et immédiate, recommande Florence Millot. Plus l’enfant est petit, plus elle doit être appliquée rapidement pour qu’il comprenne le lien de cause à effet. » Pour qu’une punition soit comprise, il faut appliquer les conséquences annoncées s’il n’obtempérait pas. « Si vous ne le faites pas, votre enfant ne croira pas vos prochaines menaces, vous perdrez toute crédibilité », prévient Anne Bacus.
Donner du sens
Une bonne punition sert à réparer la faute, ou quand ce n’est pas possible, est en lien avec la bêtise commise. « Une punition qui répare est idéale car elle permet à l’enfant de corriger son erreur, de se rattraper, conseille Anne Bacus. Cela l’aide à apaiser sa culpabilité. » La punition doit apprendre à bien se comporter en groupe, à respecter les autres. « Ainsi, un enfant qui a cassé volontairement la poupée de sa petite sœur doit s’excuser auprès d’elle, illustre Florence Millot, puis la réparer ou participer à l’achat d’une nouvelle avec son argent de poche. » Un autre qui fait une comédie dans un magasin doit s’excuser puis se racheter auprès de la famille en réalisant une action qui participe au vivre ensemble, comme aider à la préparation du repas du soir. « L’enfant ne doit pas garder de frustration intérieure, ni rester sur sa mauvaise action, explique Florence Millot. Il faut remettre du lien entre les acteurs et leur apprendre à coopérer ensemble. » Plutôt que le priver de dîner, demandez-lui de concocter le dessert, d’animer un jeu auquel toute la famille participe…
Le cas des ados
Difficile de faire respecter des règles aux grands car ils cherchent à les transgresser pour assouvir leur soif de liberté. De plus, ils ont les moyens de passer outre une punition : emprunter en cas de privation d’argent de poche, sortir de la maison en votre absence malgré votre interdiction… Relativisez face à une teinture de cheveux ou un piercing que vous aviez proscrit, il n’y a pas de drame. « Mieux vaut accepter qu’ils grandissent et leur laisser une certaine liberté, conseille Florence Millot. Tout en maintenant la communication et en ayant accès à leurs univers : hobbies, amis, projets… Le but ? Qu’ils se sentent en confiance et s’ouvrent à vous en cas de problème. » Pour les adolescents, la punition doit servir à les protéger s’ils se mettent en danger. Dans le cas d’un jeune qui a amené un couteau à l’école et se l’est fait confisquer, l’idée n’est pas juste de le sanctionner. Il faut comprendre pour quelles raisons il l’a fait : s’est-il fait manipuler ? Cherchait-il à se défendre ? « Le lien affectif est le premier moteur pour que les enfants écoutent et apprennent », rappelle Florence Millot.
(1) anne-bacus-psychologue.fr
(2) psychologuepourenfant.fr ; cdumonteilkremer.com
A lire également :
- 5 astuces pour rester zen avec son enfant
- Pourquoi mes enfants se disputent-ils tout le temps ?
- Mon enfant me ment, que faire?
