1. On n’est pas dans une relation amoureuse
Soit l’un des deux est déjà embarqué dans un mariage, un PACS, une liaison ; soit il ou elle sort d’une rupture suffisamment longue et douloureuse pour n’avoir aucune envie de re-signer un bail. Rien de tel alors qu’une relation légère. On sait assez vite à quoi s’en tenir ; copains de longue date ou ex complices, on peut avoir envie de se revoir de temps en temps à l’horizontale. Aucune (mauvaise) surprise à la clef, on connaît le dossier. Ou alors, on peut être deux inconnus qui viennent de matcher sur Tinder et se rencontrent dans la foulée.
Le sexe, avant de connaître le prénom derrière le pseudo. « On parle de fuck buddies, quand la relation démarre sur le plan charnel sans aucun lien affectif », explique Aurèle, consultant en marketing. Quel que soit le format de départ, les sex friends ressentent une attirance telle qu’il faut consommer sans attendre, comme on dit « consommer un mariage » sauf qu’en cas de nullité, l’union ne sera pas dissoute par le pontife romain. La relation en mode sex friends, ou « partenaires de double mixte », est tout de suite légère et clandestine. Et on s’en félicite : quand rupture il y a, on a juste un numéro de téléphone à effacer, c’est très pratique.
2. On se voit juste pour ça
Aucune honte à se l’avouer : on ne va pas présenter Jason, prof de cross fit, à nos parents à particule. Aucun snobisme là-dedans mais Jason va sans doute taxer papa d’un « Yo man » et voudra regarder la télé au lieu de jouer au Scrabble. Pas possible. Or on a le droit de n’avoir aucun point commun avec lui à part l’amour du Kamasutra. Et vice-versa. « Une nana qui perd au Trivial Pursuit, je n’ai pas envie de l’avoir comme petite amie », confie Aurèle. Il faut voir ces incompatibilités comme une aubaine, une opportunité pour exceller dans le domaine du plaisir sans être choisi(e)/jugé(e) sur d’autres critères.
Pour la bagatelle, on demande juste de l’enthousiasme, c’est agréable. Un lit n’est pas un divan où l’on peut exprimer ses doutes, tâtonner, panser ses blessures. Chacun doit donner à voir son meilleur profil. « Ce n’est pas parce qu’on est dans une relation légère et sans avenir qu’on a le droit de se laisser aller », précise Aurèle. Il se sera rasé de près et fleurera bon l’eau de toilette. Nous aussi, on se sera mise en scène, lingerie étudiée, look travaillé. Si on a calé 90 minutes de plaisir, c’est 90 minutes, pas moins, pas plus. Pas de temps à perdre. On est venue pour son corps merveilleux, pas pour l’écouter pester contre la vie chère ou assister à une conversation téléphonique avec sa mère. Les mobiles sont sur vibreur, les préservatifs en vue. Place au Magic Circus avec notre acrobate favori.
Autre prérequis, de taille : un sex friend n’a jamais de panne au lit. Ça, c’est réservé aux couples longue durée avec pignon sur rue.
3. On donne à l’autre l’envie de revenir
Si ça se passe bien, on n’aura qu’une envie : recommencer. Dans ce cas-là, on devient des sex friends réguliers ou encore des friends with benefit. Les sens tourneboulés par un cinq à sept torride, on serait tentés de s’envoyer des textos enflammés. Or, il ne faut pas « sortir du cadre » comme on dit en psychanalyse. Le cadre érotique que l’on s’est fixé. Pour Sélim Niederhoffer, coach sur www.artdeseduire.com, il faut garder ses distances tout en étant assez agréable pour faire craquer l’autre une nouvelle fois et obtenir un autre rendez-vous. « Pas de textos qui pourraient lui laisser croire qu’elle nous manque, mais seulement des textos chauds, ou pour fixer un rendez-vous. » On n’en voudra jamais à quelqu’un de paramétrer la relation et d’annoncer la couleur dès le début (« pas libre », « pas prêt(e) »), mais on ne lui pardonnera jamais de manquer de savoir-vivre ou de considération. Un(e) sex friend n’est ni un sex toy ni un esclave sexuel. Il faut soigner « l’avant ».
Quand on va chez Jason, si on ne doit pas s’attendre à une pluie de pétales de rose ou à du champagne cuvée des moines, comme pour des fiançailles, on peut au moins espérer un café digne de ce nom et des draps qui sentent bon la lessive. Une petite musique douce, aussi, pour nous mettre à l’aise. Un accueil à la « fais comme chez toi » incite à s’abandonner. Si on a affaire à un ours mal léché, même doublé d’une super-bête de sexe, on ne voudra pas le revoir. Et « pendant » – ce pour quoi on est ensemble –, on doit viser l’excellence, pour laisser un souvenir inoubliable. Il faut toujours penser au plaisir de l’autre, sinon, l’aventure sexuelle tient du hold-up.
« Après », un chouette moment est bienvenu, avec un p’tit resto non pas pour débriefer mais pour parler de tout et de rien, pour entretenir l’amitié. Faut-il se revoir deux, trois fois ou plus ? Plus ça se répète, plus ça dure, plus ça bascule dans un autre registre, celui de la « liaison ». Et plus on risque d’être needy, en demande.
4. On garde la tête froide
De rendez-vous en rendez-vous, les textos deviennent réguliers et les sentiments peuvent s’installer, d’un côté comme de l’autre. Tomber amoureux, c’est le risque majeur des sex friends. L’autre danger, c’est de se lasser de ces rencontres sensuelles et sans suite. À force de partager des moments d’intimité et de montrer de soi une facette agréable, on finit (parfois) par s’attacher. Soit une belle histoire s’annonce et ça arrange tout le monde d’officialiser ; soit ce n’est pas possible (engagement chacun de son côté, aucune envie de s’investir dans une relation avec quelqu’un qui est trop jeune/pas assez/qui a une télé plus grande que son canapé), et là, il faut absolument sortir la lance à incendie.
Pour le coach en séduction Sélim Nierderhoffer, « on évite les grands sentiments en revenant au cadre fixé, en ne faisant pas avec le sex friend ce que l’on fait avec un amoureux : dormir ensemble, se tenir par la main dans la rue, etc. » Ainsi, si on peut souhaiter un bon anniversaire à Jason, on ne sonne pas chez lui avec un cadeau ; on ne lance pas l’idée d’un week-end à Londres ; on ne tâte pas le terrain pour savoir ce qu’il fera au Nouvel An… Qui dit sentiment dit pincement au cœur. Jalouse quand il annonce : « demain 19 heures ? Pas possible, je prends un verre avec une amie » ? Une amie comment ? Comme nous ? Et lui quand il lâche un « pas de bêtises, hein Nat ? », dès qu’on sort de son champ visuel, montrant bien les limites qu’il veut poser, non pas à la relation mais aux autres hommes…
Envie d’exclusivité, dans une relation ouverte aux quatre vents ? C’est contradictoire. Si cela dérape malgré tout dans un état amoureux, mieux vaut prendre du large : à quoi bon souffrir pour une relation sans aucun avenir ?
5. On peut raconter sa vie … mais pas trop
De semaine en semaine, on entre dans une relation installée, qu’on le veuille ou non. Même sans fixer de date à l’avance, même en variant les lieux et les horaires, on devient une sorte de couple. On discute, avant ou après, forcément on connaît quelques détails de la vie de l’autre, même si en fait de bribes il s’agit surtout de lambeaux. Monsieur reste avec madame par habitude, par confort. Certes, c’est une fausse blonde un peu triste, un peu molle, mais il ne la quitte pas car il a l’espoir de fonder une famille avec elle (qui ne veut pas car elle a déjà trois enfants de lits différents). À en savoir trop sur cette autre femme, on risque de lui donner plus d’importance qu’elle n’en a car, au fond, son homme, on ne le lui emprunte que quelques heures par-ci par-là et pour un usage bien précis. À quoi bon se mettre sur un pied d’égalité avec elle ? À nous les moments festifs, à elle le quotidien avec un grincheux qui passe ses soirées devant la télé. Inversement, Jason n’a pas besoin de savoir que le jour où on s’est foulé la cheville, notre légitime nous a guérie à grand renfort de baisers langoureux.
Le mieux, si on parle de son conjoint, c’est d’en parler de manière valorisante. C’est courtois, respectueux, on en sort grandie. Jason sait qu’il ne sera jamais à la hauteur d’un tel homme, et il n’essaiera même pas de rivaliser. Admettons qu’on soit célibataire et pas décidée à tromper son célibat avec un type comme Jason : on peut s’inventer une moitié et en parler de temps en temps, pour refroidir son sex friend. Jason ne pourra pas dire qu’on lui a fait des promesses non tenues ou qu’on l’a bercé d’illusions. Entre nous, c’était juste pour le fun, baby.
Avant de vous engager dans ce genre de relation, faites attention à ce qu’il n’est pas LE tue-l’amour qui vous rebute. On est d’ailleurs venu vous demander quels étaient vos pires tues-l’amour.
