Et si notre belle histoire tournait un jour à la simple colocation ? Routine, sexualité morne, désaccords, les raisons du ras-le-bol ne manquent pas. Mais pourquoi envisager une séparation, le partage des affaires et des comptes, pourquoi faire des malheureux si l’on peut aménager sa vie perso tout en restant ensemble ? Ce que les Américains appellent « living together apart ». Comme dans la série Wanderlust où un couple décide de protéger son mariage en poursuivant la vie commune, partageant tout sauf la vie amoureuse et sexuelle. Ce n’est pas romantique, plutôt une solution d’attente pour voir venir avant de prendre une décision — rester ou partir — dans le calme et la sérénité. On peut même continuer à partager le même lit king size, sauf si l’on veut, si l’on peut, faire chambre à part. Ce système de coloc’ peut fonctionner, mais à certaines conditions, comme l’explique Caroline Kruse, conseillère conjugale*.
S’affranchir des idées reçues
Environ la moitié des mariages se solde par un divorce. Parce que l’on attend trop du couple et de l’amour, à commencer par le désir d’être comblé(e) sur tous les plans. Or, plus on idéalise l’autre et la relation, plus on tombe de haut quand la routine prend le dessus et que la déception pointe son nez. Selon Caroline Kruse « tout va bien tant qu’on a toujours des sentiments l’un pour l’autre ; mais si l’on pense ne plus en avoir, grande est la tentation de se séparer sans se demander si la signification à donner aux mots “amour” ou “sentiments” doit rester, au fil des ans, inchangée ». Reste à accepter de revoir au fil du temps ses attentes à la baisse, d’avoir moins de déclarations d’amour et plus de post it sur le frigo du genre « pense au pain ». De là à vivre comme des colocs, il y a une marge. Pourtant, la glissade arrive vite et au moment où on s’y attend le moins. Un jour, l’autre n’est plus un amoureux à séduire. Le désir fout le camp sur la pointe des pieds, on n’a plus ni cette impatience, ni ce doute « est-ce qu’il tient à moi ? ». Dans un couple longue durée, il y a forcément des passages à vide, des périodes où l’on devient plus des amis ou des épiciers qui font leurs comptes que des amoureux qui se bécotent sur les bancs publics. Alors si cet état de colocation s’installe et que cela convient aux deux, pourquoi pas ?
Ne pas enquêter sur la vie de l’autre
Quand le désir s’en va, la double vie n’est pas loin. Cela ne signifie pas qu’il n’y a plus de tendresse, plus de contact physique entre les conjoints, surtout s’ils continuent à dormir ensemble. Mais l’émotion, l’érotisme, on va le chercher ailleurs. « Si la vie sexuelle devient nulle ou absente, cela ne signe pas forcément la fin du couple. On peut aimer partager la vie commune. On peut décider de laisser s’exprimer sa libido à l’extérieur, dans l’extraconjugal. Mais il n’est pas nécessaire de faire de l’infidélité un pacte formulé », reprend Caroline Kruse. Même quand on n’a plus envie de l’autre, l’infidélité vient heurter notre amour-propre. Alors il ne faut pas chercher à savoir, en consultant à son insu les messages de son téléphone ou de sa boîte mail.
Faire encore des projets ensemble
Quand on s’éloigne l’un de l’autre, physiquement, émotionnellement et d’un commun accord, la jalousie n’a pas droit de cité. Mieux vaut avoir des doutes que des certitudes qui nous sautent à la figure, sous forme de photos coquines ou de textos langoureux. On n’a pas envie d’être témoin de la nouvelle vie intime de l’autre, encore moins de constater que la maîtresse de monsieur est une créature de rêve. S’il y a toujours une vie commune et la volonté de la maintenir, c’est qu’il y a des liens forts. La colocation tiendra le temps d’avoir encore des projets ensemble, du plaisir à partager les petites et grandes choses du quotidien. Après tout, on se connaît bien dans nos qualités comme dans nos défauts alors pourquoi recommencer à zéro avec quelqu’un d’autre, au risque d’être moins bien ? On peut être attachés à notre vie commune pour des raisons bassement matérielles, le contrat de mariage sous le régime de la communauté ou la longère en Normandie où l’on passe de chouettes week-ends en famille. La séparation appauvrit, alors pourquoi voudrait-on subir un déclassement économique ? On ne vit pas d’amour et d’eau fraîche mais aussi de confort, de bien-être lié à l’argent, au territoire, un peu de lucidité ne nuit pas… C’est pour cela que de plus en plus de couples désunis décident de rester mariés/pacsés. Quand on s’entend relativement bien, ce peut-être une solution. « Tout ce qui a été construit à deux, le patrimoine, la famille, le socle amical, a de l’importance » continue Caroline Kruse « on peut aimer élever ses enfants ensemble, apprécier les valeurs communes, s’imaginer grands-parents sous le même toit, se projeter dans ce futur ». Et cette co-loc’ peut durer jusqu’aux noces d’or, finalement.
*Comment continuer à se parler, à s’aimer, à se désirer (Marabout).
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