Un retour à la case départ ? Non, plutôt un nouveau départ… En 2006, Louise Bourgoin faisait la pluie et le beau temps sur Canal + où, dans la peau d’une Miss Météo délirante, elle comblait de joie le plateau du Grand Journal. Cet hiver, elle était de retour sur la chaîne de ses débuts, mais dans un tout autre registre. Dans Hippocrate, la série événement mise en scène par le cinéaste Thomas Lilti (auteur, en septembre dernier, du remarquable Première année), l’actrice désormais confirmée incarnait Chloé, une interne en médecine qui, avec quelques collègues, devait faire face aux multiples problèmes vécus au quotidien dans un hôpital de la région parisienne. Résultat : un nouveau grand rôle pour Louise Bourgoin, 32 ans, qui enchante depuis qu’elle a entamé sa carrière au cinéma. Aussi convaincante dans les rôles fantaisistes (Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec, de Luc Besson, Un heureux événement, de Rémi Bezançon) que dans les partitions dramatiques (Un beau dimanche, de Nicole Garcia, Je suis un soldat, de Laurent Larivière), elle a ajouté une nouvelle corde à son arc en jouant dans l’une des meilleures séries françaises de ces dernières années. Ses désirs, ses emballements, ses refus… Louise Bourgoin s’explique.
Qu’est-ce qui vous a attirée dans la série Hippocrate ?
En un mot ? Tout… La personnalité de Thomas Lilti, un cinéaste que j’apprécie, le sujet, la médecine aujourd’hui, et, bien sûr, le rôle de Chloé, incroyablement riche. La série dure presque huit heures et Thomas a le temps de s’attarder sur les zones d’ombre de ses protagonistes. Et rayon zones d’ombre, Chloé est une sacrée cliente.
Comment la définiriez-vous ?
Chloé peut sembler sévère, ambitieuse, glaciale. Mais on découvre les fragilités de cette interne qui doit affronter une situation de crise dans un hôpital. Hippocrate a un aspect romanesque, mais les thèmes abordés ne sont pas toujours ludiques.
Vous avez dû subir un entraînement particulier ? On a l’impression que vous avez été médecin toute votre vie en découvrant la série.
Nous avons énormément répété. Hippocrate donne à voir la réalité de l’hôpital, avec les innombrables difficultés rencontrées au quotidien, dues notamment aux problèmes de sous-effectifs et à la politique de rentabilité. Thomas Lilti sait de quoi il parle : il a été médecin avant de devenir réalisateur. Nous avons tourné avec de vrais soignants dans les rôles secondaires. Dialoguer avec eux pendant les six mois qu’a duré le tournage a fortement contribué au réalisme de la série.
Six mois de tournage, c’est très long…
Oui, mais l’expérience a toujours été passionnante. Sur une telle durée, on a le temps d’apprendre à dialoguer avec ses partenaires et d’instaurer une complicité créatrice avec le réalisateur. Je n’ai vu que des bénéfices à ce temps long.
Hippocrate a une forte dimension sociale. Un aspect qui vous passionne ?
Absolument. La série porte un regard politique sur le monde dans lequel nous vivons. Comment est-il possible que dans le domaine de la santé, où il est question de vie et de mort, on puisse raisonner en termes de profits ? Aborder ce type de questionnements dans des fictions me semble essentiel.
Les séries sont désormais plébiscitées par les acteurs venus du cinéma.
L’image des séries a considérablement changé depuis quinze ans. À l’époque, si un comédien venu du cinéma jouait à la télé, on en concluait que sa carrière était sur le déclin. Aujourd’hui, c’est l’inverse. C’est une sorte de plus-value que de se prêter à l’exercice.
Vous avez débuté à Canal + et on vous y retrouve aujourd’hui dans une série ambitieuse. Quand vous regardez le chemin parcouru, qu’en pensez-vous ?
Je mesure ma chance. Beaucoup de comédiens disparaissent après quelques films. Moi, cela fait presque dix ans que j’enchaîne les projets stimulants. Je serai toujours reconnaissante à Canal + de m’avoir apporté une visibilité sans laquelle rien n’aurait été possible. C’est grâce à la chaîne que le cinéma a fait appel à moi et que ma carrière a démarré.
Vous ne vous étiez jamais imaginé un tel destin ?
Jamais. De la même manière que je n’avais jamais pensé faire de la télévision. Moi, mon truc, c’était de devenir plasticienne. Et la télé, un moyen de gagner de l’argent pour pouvoir me payer un atelier. Je ne m’imaginais pas du tout exposée sur les plateaux, mais plutôt cachée avec mes pinceaux… À mes débuts au cinéma, je n’imaginais rien non plus. Mon premier essai avec Cédric Klapsich pour Paris s’était très mal passé. Il m’avait demandé d’embrasser Albert Dupontel pour une scène. Je n’en avais pas du tout envie et avais donc refusé (rires). Bref, j’étais réfractaire au jeu. Les choses se sont décantées ensuite avec Anne Fontaine pour La fille de Monaco.
On vous a vue dans des films d’auteurs puis, à partir de 2016, plutôt dans des comédies. Vous tenez à cette diversité ?
Mes goûts m’entraînent vers des films porteurs de sens. C’est à la fois un héritage de ma culture familiale et de l’enseignement des Beaux-Arts. Mes comédies récentes sont clairement des films moins ambitieux que les autres, mais je les assume. J’ai eu envie de légèreté à un certain moment de ma vie. Je suis devenue maman en 2016 et j’avais besoin de confort.
La maternité a-t-elle changé en profondeur votre approche du métier ?
Je préfère tourner peu, mais bien. Pour le tournage d’Hippocrate, les horaires étaient rudes : il me fallait partir de chez moi à 6 heures du matin et revenir à 21 heures. À mon départ, le bébé dormait, à mon retour idem. C’est le lot des femmes actives et je ne vais pas me plaindre, n’empêche que, désormais, il m’importe de me laisser des plages de repos pour m’occuper de mon fils.
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