Si c’était à refaire, elle le referait ! Et pourtant la précédente expérience professionnelle de Laure Ansart s’est soldée par un sévère échec. Après vingt-trois ans à la tête d’une agence de communication lilloise, fondée le jour de ses 30 ans, la dirigeante doit mettre la clé sous la porte. « Deux impayés, un procès aux prud’hommes, des clients qui me disent qu’ils ne perçoivent pas de virage numérique dans nos réalisations et un gros problème personnel, ont finalement eu raison de mon entreprise », résume-t-elle. Le 28 mai 2018, le tribunal commercial prononce la liquidation judiciaire. « Bizarrement, ce jour-là, j’étais calme. En fait, j’étais prête, car vivre avec la hantise des huissiers, avoir des difficultés à payer mon loyer, ne plus me verser de salaire était terriblement angoissant », se souvient-elle. À la faveur de trois semaines de pause intégrale, « pour faire le deuil », d’une mise en relation professionnelle mais aussi avec le soutien de l’association Second Souffle, la dirigeante renaît de ses cendres, et lance une structure visant à aider et conseiller les entreprises françaises à s’implanter en Russie (ouspek.org). « Grâce à Second Souffle, je n’ai pas été isolée socialement. Le soir de la liquidation, une bénévole, Christine, m’a appelé. Également passée par là, elle savait ce qu’on pouvait ressentir », se souvient-elle. Elle a également pu accéder à un conseiller emploi pour recevoir de précieux conseils ainsi qu’à un mentor pour doper le versant international de son projet et ajuster son business plan. « J’ai été à la fois conseillée et recadrée, le tout dans une bienveillance totale », insiste-t-elle. À 53 ans et avec l’autonomie qu’elle avait connue, elle ne se voyait pas rechercher un poste de salariée. Elle a donc opté pour une solution intermédiaire, le portage salarial. Laure Ansart a aujourd’hui accepté la situation et n’en veut à personne. « Je fais fi du passé et je suis plus forte que jamais », renchérit cette adepte de la course à pied.
Remonter la pente même si elle est (très) raide
« Les gens capables de se remettre d’un échec sont des résilients. Au lieu de vivre leur échec comme un inconvénient, ils en font une opportunité. Et en général après un échec, ils sont meilleurs dans la résolution de problèmes et font preuve de davantage de créativité que les autres », assure Helena Gonzales, professeur associée au sein de Neoma Business School. Amélie Favre Guittet, est, elle aussi, une grande résiliente. Quand elle arrive de Belgique pour suivre ses études en alternance à Paris, la jeune femme n’a pas les codes du monde du travail français. « Je suis tombée sur un employeur manipulateur. Convivial par moments, virulent deux minutes après, qui me faisait culpabiliser. Le soir, je tremblais à l’idée de lui annoncer que j’allais quitter le bureau. Et pourtant il était 21-22 heures », se souvient-elle. Après son alternance, et compte tenu de la situation du marché de l’emploi, elle accepte un CDI dans cette même structure. Rien ne change. Au bout de trois mois, elle donne finalement sa démission, angoissée par la réaction de l’employeur. Bingo, il fait durer le processus de séparation, l’isole dans un bureau, sans matériel, avec juste une chaise. « Quatre ans après, quand je passais dans la rue, j’avais encore la boule au ventre et la peur de le croiser. J’ai mis dix ans à ne plus être gênée de parler de cet échec », raconte cette entrepreneuse multiple (madircom.com, trymeup.fr). « Pour me reconstruire, j’ai dévoré des dizaines de livres sur la confiance en soi, la psycho généalogie afin de comprendre pourquoi j’avais accepté un tel traitement. Et puis j’ai croisé des employeurs heureusement plus bienveillants », argumente-t-elle. Aujourd’hui, à 41 ans, cette cheffe d’entreprise sait se faire respecter et sélectionne des clients qui partagent ses valeurs.
Encourager la prise de risque
« Après un échec, il faut “oublier intelligemment” c’est-à-dire faire le point objectivement sur les raisons de son échec et en tirer des leçons positives avant de se lancer vers autre chose », recommande Anne-Flore Adam, formatrice et consultante en entrepreneuriat, elle-même passée par la case échec. Pour cette bénévole de l’association Les Rebondisseurs français, « l’échec est une force car cela signifie que l’on a osé prendre des risques. Plutôt que de stigmatiser, il faut au contraire féliciter les personnes qui ont eu cette audace ». Toutefois, sur le marché de l’emploi, la réalité est parfois moins facile. Les dirigeants de petites structures seront sans doute plus réceptifs à ce type de parcours jalonné d’un ou plusieurs échecs que ceux de grandes entreprises qui préfèrent souvent des profils moins cabossés. Et ce n’est d’ailleurs pas un hasard, si après un échec, de nombreuses personnes se mettent à leur compte.
Les associations pour dépasser l’échec
Un podcast
- La Leçon ou l’art d’échouer
De la lecture
- Rebondir sur l’échec pour mieux réussir, de Fred Colantonio, L’attitude des héros, 2017
- Les vertus de l’échec, de Charles Pépin, Pocket, 2018.
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